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16 octobre 2004

« Non Monsieur, on n’a pas ça chez nous »

« Non Monsieur, on n’a pas ça chez nous »

La Terrasse de Gutenberg est un des organes de propagation d'une idéologie totalitaire liberticide en vogue. De cette idéologie réductrice qui fait que Paris reste Paris. La Terrasse de Gutenberg en est même le lieu de diffusion central de ce petit quartier du XIIe arrondissement.

Lorsque l'on rentre dans la Terrasse de Gutenberg, on est accueilli par toute la structure monolithique et réellement agressive de la pensée unique parisianiste. À la Terrasse de Gutenberg, il y a les « bons » lecteurs, ceux qui aiment les « bons » livres, ceux qui pensent comme on pense dans les pages de Télérama, ceux qui achètent les bons livres. À la Terrasse de Gutenberg, on a la « bonne opinion », celle qui socialement si correcte. Pour la Terrasse de Gutenberg, hors le cadre étroit de l’idéologie unique, rien existe. Alors à la Terrasse de Gutenberg, on généralise, on ostracise, on se croit le centre du monde, d’un monde, le leur.

La Terrasse de Gutenberg, c’est dans le vent, c’est idéologiquement correct, c’est bobo. Et jeune aussi. Pourquoi pas, puisque ça ne coûte rien de le penser. Car désormais, on est toujours jeune même quand on a cinquante ans, du moins si on pense dans le bon sens. Pourquoi pas ? N’est-on pas jeune à vingt ans seulement parce qu’on est physiologiquement jeune ? N’est-on pas encore jeune à trente ans, parce qu’on est la cible marchande des critères publicitaires, ceux qui désignent la jeunesse comme une vertu supérieure ? Et comme on a encore plus d’argent à quarante, alors n’est-on pas encore plus jeune à quarante ans ? Dans ces conditions, pourquoi ne serait-il pas possible d’être encore jeune à cinquante ans ? De toute manière, il suffit d’adhérer à une idéologie totalitaire réductrice, celle qui dit que l’on est jeune lorsque l’on pense « correctement », du moins lorsqu’on adhère aux bons codes. Donc on est jeune, quel que soit son âge. Sauf si on n’adhère pas aux bons code, car dans ce cas, on est un vieux con. C’est le couperet totalitaire du jugement correct. De la communauté correcte, de la communauté collectivement individualiste, qui s’affirme comme le modèle idéologique convenable.

Tout cela, c’est mieux que d’adhérer à un parti. C’est mieux que de participer. Pourquoi devoir participer ? C’est fatigant de participer. Là, il suffit d’adhérer aux bons codes bobos, lire les bons livres, écouter la bonne radio, voir la bonne chaîne de télé, regarder les bons films, visiter les mêmes expositions, aimer les mêmes choses, connaître les mêmes choses. Penser les mêmes choses. Correspondre. Correspondre au même modèle. C’est si bien de correspondre à un unique modèle, si simple. Le pire, c’est qu’ils croient que c’est suffisant. Pitoyablement suffisant.

Alors c’est tout cela la Terrasse de Gutenberg. Un ramassis de gens idéologiquement convenables. De ces gens qui traînent dans le quartier d’Aligre en pensant que c’est bien d’habiter dans un quartier si typique. De ces gens qui aiment les quartiers populaires, car dans populaire, ils pensent être en train de lire un livre correct. De ces gens qui votent à gauche en agissant à droite. De ces bobos qui pensent que leur modèle est socialement acceptable, car ils votent socialiste, vert ou même LCR. Et qu’ils aident de temps en temps les clochards. Et qu’ils pensent parfois aux autres. Et que tout cela leur donne bonne conscience. De cette bonne conscience que l’on trouve dans les pages de Télérama, la bible de leur existence collectivement acceptable.

La Terrasse de Gutenberg est bobo. La belle affaire ! La Terrasse de Gutenberg, petite librairie indépendante de quartier, un des organes de propagation d'une idéologie totalitaire liberticide en vogue, est pourvoyeuse d'un modèle de référence unique en prêt-à-penser. La grande affaire ! Mais le problème c'est que Paris est bobo aussi. Et que Paris, c’est la Terrasse de Gutenberg en bien plus grand. Exactement la même chose, mais en bien plus grand.

Parfois, je ressens comme une impression d’asphyxie. Cela doit ressembler à cela de se noyer.


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