Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Spoutnik
Spoutnik
Publicité
Spoutnik
Archives
9 mars 2006

Je m’appelle Spoutnik et je vous regarde dans le métro

Même si j’ai plutôt tendance à naïvement faire confiance aux autres, mon inclinaison naturelle m'entraîne - elle - à les détester collectivement. A les vomir de dégoût. Les hommes, surtout. Les femmes, elles, trouvent parfois une grâce relative à mes yeux, mais uniquement lorsque leur physique ou leur apparence m'inspire. D’autant qu’elles me distraient souvent du triste spectacle qui m’entoure. Les hommes, eux, jamais. Au contraire, ils salissent l’ensemble.

Un jour, il y a peu, dans le wagon d’un métro, un homme se livrait à une étrange gymnastique. Il s’adonnait à des séries gestes, comme s’il se trouvait dans un quelconque portique de salle de sport, sauf qu’il était dans le métro. Il multipliait les mouvements d'étirement. Une jambe allongée, un bras qui s'étire, une tension sur la barre. Une flexion, un allongement, un fléchissement, un étirement. Le cou à droite, le cou à gauche. La colonne vertébrale qui se tend. Ses gesticulations font qu’il s’étire et se contracte. Je le regarde longuement comme captivé par cette pantomime. D'abord effaré de le voir ainsi polluer mon environnement visuel par ses gestes. Puis, réellement dégoûté par un tel déballage de matières humaines. Pire, j’étais assailli et me sentais souillé de l’image de ses muscles se serrant et se desserrant au gré de ses mouvements. Il me fallu regarder autre part, avant que d’être pourquoi pas contraint de penser à des poils et pourquoi pas à de la transpiration humaine. Et en arriver jusqu’à peut-être imaginer la sentir. Les murs sombres, uniformes et magistralement stériles du tunnel m’ont soudain paru captivants. Et surtout, eux, ils n’avaient pas une tête de chef de service.

Dans le métro, toujours, à un autre moment. Moi, je déteste regarder mes pieds quand je marche. Mais je constate que beaucoup le font. Et même ne font que cela, regarder leurs pieds. Surtout ne pas regarder devant ou sur le côté, il risque de s’y passer quelque chose. Non, regarder en bas, comme si la seule pensée est de savoir sur quoi marcher l’instant d’après. Unique préoccupation. Des pensées simples. Simplifiées à l’extrême. Surtout ne pas réfléchir. Individus lambda d’un troupeau lambda. Des innocents. Qu’ils le restent. Ne valant rien ou pas grand chose. Désormais, dans le métro, la signalétique moderne et tragique, faite pour eux, et sortie de l’esprit de « communicants » malades et sur payés impose justement de regarder sous ses pieds en marchant. Pour suivre un chemin précis, des pas dessinés, collés au sol, indiquent la direction et rejoindre telle ou telle ligne de métro. Madame, où est la ligne 14 s’il vous plaît ? Suivez les pas bleus au sol, Monsieur, ceux dans lesquels il est écrit 14 ! Pratique ! Mais surtout efficace. Car n’est-ce pas surtout une efficace façon d’apprendre à nos contemporains à courber la nuque. Regardez le sol, votre nuque courbée s’ouvre alors à l’épée du matador. Belle mise à mort collective. Le pire est qu’aucune bronca ne se lève. L’Etat, bon berger de moutons qu'il conduit paître, a tout à gagner à pasteuriser ce troupeau aux pensées stériles. La révolution n’aura jamais lieu. Les moutons, plutôt que de penser, pourquoi donc penser, pensez vous donc ? se contentent de faire de la gymnastique dans le métro. Pour ne pas perdre de temps. Pour être en forme. Avec une brave tête de chef de service. Pour le meilleur et pour le pire.

Et eux là. Qui sont-ils ? Ils sont deux. Un bon petit couple qui se donne la main. Ils avancent. Dans le métro. Encore dans le métro, allez-vous me dire ? Et oui, j’y ai mes habitudes et moi je ne regarde pas sous mes pieds quand j’avance. Alors je vois. Je vois les autres. Je vous vois donc. Oui vous ! Et je rigole. Le plus souvent. De votre pathétique habitude de vous croire vivants. De votre pathétique habitude de vous croire dotés de libre arbitre. J’aurais même envie d’en pleurer. Mais rassurez-vous, je me contrôle. Le plus souvent. Et eux deux ? Ces deux là qui avancent. Regardent-ils aussi leurs pieds ? Sont-ils libres ? Peut-être pas. En tous cas, ils se tiennent par la main, très fort. Ils se tiennent par le bras, par le corps, par tout. Une abjecte passion mutuelle dégouline de leur posture. Ils s’aiment, cela se voit, alors ils se soutiennent, cela se voit. Ils s’aiment, alors ils se collent. Ils s’agglutinent l’un à l’autre. Ils s'absorbent. Ils ne sont qu’un. Ils s’amalgament. Deux masses de chairs. Ils avancent dans la vie en se tenant si fort qu’aucun d’eux ne peux plus s'en détacher. Leur amour suinte. Leur amour devient une seconde nature. Les avez-vous vus ? Oui, très souvent. Deux êtres ne faisant qu’un. Se tenant très fort. Trop fort. Si moches, si laids. Tous les deux. Leur amour, l’un pour l’autre, effrayant, égal à leur laideur. D’ailleurs ils s’aiment si fort car ils sont si laids. Et si heureux de s’être trouvés. C’est si réconfortant. Surtout que leur laideur est si partagée. L’un et l’autre, hydre bicéphale. Heureusement. La nature est donc bien faite car elle aime l’équilibre. Surtout l’équilibre de la laideur. La laideur est la constante essentielle du monde. Et la laideur arrête même le temps tellement elle est absolue.

Publicité
Publicité
Commentaires
H
Pas mal écrit.<br /> T'as vision du monde est parfaitement laide. j'aimerais en discuter avec toi. moi je traverse une étape bizarre dans ma vie! j'essaye d'apprendre à séduire ! folle entreprise tu pourrais me dire, mais c'est pour arrêter une fois pour toute de jalouser les laids comme tu dis, et enfin passer à l'état suivant : l'état de l'homme conscient,et militant pour un combat transcendant, seul acte noble qui pourrait sortir tout homme de la médiocrité de son existence.
Z
Mon pauvre petit bonhomme, toi aussi un jour tu trouveras quelqu'un qui aimera ta laideur ne t'inquiete pas.<br /> Faut pas etre jaloux comme ca.
Publicité