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19 novembre 2003

Dis moi quel est ton journal et je te dirais comment tu es habillé

Il m’arrive moi aussi de prendre le métro. Notamment le matin, lorsque de bonne humeur, je me résigne à aller au travail. Je le prends aussi le soir, lorsqu'après une journée forcément harassante, je m’accorde le droit de rentrer chez moi.

J’ai vécu avec amusement l’époque pas si éloignée où les journaux gratuits (20 minutes, Métro, Sexe à la bouche … ont été créés. Pour ceux qui ne les connaissent pas, ce sont des journaux distribués gratuitement, entre autre, dans les stations de métro ou les gares. A l’époque de leur création, personne ne lisait plus de quotidiens "traditionnels" ; étant l’un des derniers à encore en acheter, je me faisais parfois l’effet d’être un indien. En prenant mon journal tous les jours, j'étais non seulement convaincu de m’informer ("un devoir civique ma bonne dame !"), mais aussi j'avais l'impression de soutenir modestement une noble cause qui me dépassait ; grâce à moi et à mon maigre argent, une presse indépendante et libre pouvait continuer à vivre dans notre pays et garantir collectivement nos chères libertés individuelles. C’était le moment où justement la Presse nationale était moribonde mais encore combative, que les rentrées publicitaires étaient inexistantes, les journalistes sous payés, les intermittents à la Bastille ... J'aimais la Presse. Chaque article que je lisais me semblait avoir été écrit par un correspondant de guerre (ayant évidemment couvert le Vietnam et la chute de Saïgon) ou au moins un grand reporter ayant reçu le prix Pulizer. Depuis les journaux gratuits ont été importés dans notre beau pays de France. Depuis aussi j’ai lu Pierre Péan. Depuis, je me dis, après avoir franchement bien rigolé, que Le Monde - statue du Commandeur du jounalisme d'investigation - s’ a beaucoup gagné à la création de ces journaux et c'est bien foutu de la gueule de ses lecteurs, de ses confrères et du monde entier. D’ailleurs, je n’ai jamais été lecteur du Monde, même quand il aurait fallu que je le lise tous les jours.

Désormais, le matin, il y a foule devant les présentoirs à journaux gratuits et j’ai même vu certains se battre pour prendre le dernier. Cela va continuer longtemps. Jusqu’au jour où il n’y aura plus de presse indépendante, ni d'ailleurs de gratuits ni aucun présentoir ... il y aura juste des dépêches. A ce moment là, toute réflexion aura disparu et tel des robots, nous serons gavés de faits divers. La messe est dite.

Ce matin, j’ai pris le métro pour me rendre à mon travail. Station Bastille, comme souvent, je me suis dirigé - d’un pas décidé - vers la boutique de presse afin d’y acheter mon journal. Là, la vendeuse (qui arborait, il y a peu, un maillot du PSG) était au téléphone. Par politesse et pour ne pas la couper dans sa conversation, je sorti mon argent sans lui adresser la parole.

Ayant tout de même besoin, pour des raisons de gestion des stocks, de savoir quel journal j’allais acheter, elle me regarda en me demandant  "quel journal Monsieur ?". "Celui là" lui dis-je en pointant du doigt le présentoir, sans lever le nez de mon porte monnaie dans lequel je cherchais 1€20. "Le Figaro donc" continua-t-elle en tapant sur sa machine. Je lève les yeux, la regarde et lui lance "non, Libération !". Elle s’excuse en annonçant "pardon, mais j’ai vu votre doigt montrer Le Figaro". Je précise "non, non Libération, mais c'est pas grave ...", je la paie et je pense tout haut "c’est vrai que je vieillis et habillé comme cela, désormais, j’ai le vraiment style à acheter Le Figaro". Puis je m’éloigne, pensif, avec Libération à la main.

Je me demande si 20 Minutes c'est plus tendance que Métro ????

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